04/04/2019

L'appel du maire de Grigny : Villes qui s’engagent pour le droit à la paix du locale à l’internationale

Philippe Rio est le maire de Grigny - une petite ville à la périphérie de la métropole parisienne où subsistent des inégalités marquées par rapport aux quartiers les plus riches de la capitale française. L’engagement de Philippe Rio en faveur de la justice sociale et territoriale pour les habitants des villes de périphérie et de banlieue l'a amené à devenir un membre actif de l'association Ville & Banlieue, qui vise à « favoriser le développement des quartiers les plus fragiles du territoire et valoriser l’image des villes de banlieue ».

En lien avec cet engagement, Philippe Rio est également devenu un avocat reconnu du droit à la paix sur le plan international, en devenant le président de l’Association française de Maires pour la Paix – AFCDRP.

Riche de ces expériences, Philippe Rio a participé à l’édition 2018 du Forum WHRCF en tant que délégué de la Commission. À cette occasion, nous avons pu parler du lien entre le droit à la paix et le droit à la ville, et pourquoi est-il important que les villes jouent un rôle actif au niveau international en faveur de cet agenda.


Q 1 : Vos interventions lors du Forum ont porté sur la relation entre le droit à la paix, le droit à la ville et les droits humains : pourquoi est-il important de renforcer le lien entre ces notions ?

Il ne peut pas y avoir de paix durable sans le respect des droits humains. Il y a donc un lien naturel entre la paix et les droits humains.

De plus, nous vivons dans une ère urbaine ; c’est un moment historique où l'humanité vit déjà principalement dans les zones urbaines. Pour cela, nous ne pouvons avoir ni la paix ni les droits humains sans un mode durable d’urbanité : vivre dans des villes durables devient la condition pour atteindre la paix et le respect des droits humains dans la ville.

Malgré la militarisation croissante des États et la prolifération des conflits, la société civile et les gouvernements locaux ont un rôle de contre-pouvoir à jouer face à la course aux armements et pour trouver des solutions pacifiques aux conflits partout dans le monde.


« Images 1 et 2 : Participation du maire Philippe Rio, au Forum mondial des villes pour les droits humains de Gwangju, où il a présenté l'expérience de Grigny pour le droit à la paix »


Q 2 : Qu'est-ce que c'est l’urbanisme pacifié ? Qu’a-t-il à voir avec les processus de métropolisation ?

L’urbanisme peut être excluant. À l’inverse, certains parlent d’urbanisme social. Avec l’urbanisme « pacifié », il s’agit de construire des villes apaisées, inclusives et bienveillantes. La conception de l’aménagement de l’espace public dans nos villes et de l’urbanisme dans les phénomènes de métropolisation est aujourd’hui marquée par la persistance des inégalités qui se traduisent dans nos territoires.

Nous devons faire en sorte que l’urbanisme reconnaisse ces phénomènes et contribue à lutter contre les inégalités. La paix et le respect des droits humains sont, dans ce cadre, des outils incroyables pour construire des métropoles inclusives.


« Images 3 et 4 : Plantation d’arbres pour la paix. Le signe décrit un article de la Convention des droits de l'enfant »


Q 3 : Vous avez parlé d’éducation pour la paix et de la culture de la paix : Comment les villes peuvent-elles travailler ces concepts au niveau local ?

La culture de la paix a été définie par le Manifeste de Séville au début des années 1990. Ensuite, l’UNESCO en a précisé les 8 principes : la démocratie, la lutte contre les inégalités, l’égalité homme-femme, la sécurité, la transparence, etc… (voir ici la définition complète).

Aujourd’hui nous, collectivités locales, pouvons faire deux choses pour concrétiser la culture de la paix.

La première est de développer des plans locaux d’action à la culture de la paix. Dans nos politiques publiques, en direction de nos concitoyens, dans la proximité et la quotidienneté, nous devons développer des actions de sensibilisation pour les enfants mais aussi pour les adultes, qui visent à vulgariser et à faire connaitre ces valeurs pacifiques à l’échelle locale de la vie quotidienne.

Les gouvernements locaux peuvent également agir vis-à-vis des institutions internationales pour que le droit à la paix soit considéré comme une des valeurs universelles des droits humains ; c’est qui n’existe pas encore. Nous devons donc peser sur les institutions internationales pour que le droit à la paix soit reconnu et défini en tant que droit inaliénable de l’humanité.


« Images 5 et 6 : Remise de prix du jeune écrivain et du jeune illustrateur Construire la paix dans ton quartier »


Q 4 : Vous êtes le président de l’Association Française des Communes, Départements et Régions pour la Paix (AFCDRP) Maires pour la Paix-France. Quelles sont vos priorités et quels initiatives menez-vous ?

Maires pour la Paix est une association mondiale fondé et co-présidé par les maires d’Hiroshima et de Nagasaki, qui ont eu à gérer les conséquences du bombardement nucléaire de 1945. Hiroshima et Nagasaki nous rappellent que, dans les conflits, les pouvoirs locaux sont les premiers acteurs qui travaillent pour la réparation et la normalisation de la vie quotidienne.

Les maires doivent donc devenir des leaders pour prévenir les conflits et agir ensemble pour atteindre une société pacifiée.

En aout 2017 s’est tenue la neuvième conférence générale de Maires pour la Paix, qui regroupe plus de 7000 villes dans le monde, dans 70 pays. Nous avons arrêté un plan d’action 2017-20 qui repose sur deux piliers : le premier concerne la poursuite de campagnes de démilitarisation du monde.

Nous avons eu la chance en 2017 de voir le prix Nobel de la Paix décerné à ICAN, un collectif de 500 associations – dont Maire pour la Paix – qui a mené une campagne citoyenne en faveur du traité d’interdiction des armes nucléaires qui a été approuvé aux Nations Unies. C’est une première victoire importante pour le mouvement.

Le deuxième pilier d’action de Maires pour la Paix est le développement de la culture de la paix et la nécessité de construire des territoires de sécurité et de résilience (safe and resilient cities). Pour cela nous développons des plans d’action au niveau local pour développer cette culture auprès des citoyens, et éduquer à la paix pour faire grandir la conscience pacifiste.


« Images 7 et 8 : Des lanternes flottent pour la paix sur le canal à Grigny lors que l’auteure syrienne Maram Al-Masri lit ses poèmes pour la paix »


Q 5 : Vous avez souligné l'importance du municipalisme et de la coopération entre villes, en indiquant que la ville est elle-même un lieu de résistance : Que pouvez-vous dire aux maires du monde ?

Les citoyens de nos villes sont en attente de mobilisation sur les questions de la paix. Les gens ont envie de paix, mais les grands dirigeants de ce monde ne parlent pas de paix : ils parlent de guerre ! Nous devons, dans la proximité des gouvernements locaux, être à la tête d’alliances qui réaffirment la volonté de nos citoyens de vivre dans un monde de paix.

Il y a une urgence pacifiste, et les gouvernements locaux peuvent être à la tête de cet appel citoyen ; ils peuvent le faire entendre et le porter dans les grandes rencontres internationales.

Les gens ont envie de paix. Chaque fois que nous créons un évènement ou une initiative pacifiste – chez les enfants, chez les parents – il y a un changement des regards et une prise de conscience : pour mieux vivre ensemble, nous devons construire ensemble un monde de paix.


« Images 9 et 10 : Échanges d’expériences entre élus et militants pour la paix »


En savoir plus sur :