




Interview à Philippe Rio, Maire de Grigny et Président de l’AFCDRP – Maires pour la Paix France
Il ne peut pas y avoir de paix durable sans le respect et l’application des droits humains. Il y a donc un lien naturel entre la paix et les droits humains. De plus, nous vivons dans une ère urbaine ; c’est un moment historique où l'humanité vit déjà principalement dans les zones urbaines. Pour cela, nous ne pouvons avoir ni la paix ni les droits humains sans un mode durable d’urbanité : vivre dans des villes durables devient la condition pour atteindre la paix et le respect des droits humains dans la ville.
Malgré la militarisation croissante des États et la prolifération des conflits partout dans le monde, la société civile et les gouvernements locaux ont un rôle de contre-pouvoir déterminant à jouer face à la course aux armements et pour trouver des solutions pacifiques aux conflits partout dans le monde.
« Images 1 et 2 : Participation du maire Philippe Rio, au Forum mondial des villes pour les droits humains de Gwangju, où il a présenté l'expérience de Grigny pour le droit à la paix »
L’urbanisme peut être excluant. À l’inverse, certains parlent d’urbanisme social. Avec l’urbanisme « pacifié », il s’agit de construire des villes apaisées, inclusives et bienveillantes. La conception de l’aménagement de l’espace public dans nos villes et de l’urbanisme dans les phénomènes de métropolisation est aujourd’hui marquée par la persistance des inégalités qui se traduisent dans nos territoires. Nous devons faire en sorte que l’urbanisme reconnaisse ces phénomènes et contribue à lutter contre les inégalités. La paix et le respect des droits humains sont, dans ce cadre, des outils incroyables pour construire des métropoles inclusives.
« Images 3 et 4 : Plantation d’arbres pour la paix. Le signe décrit un article de la Convention international des droits de l'enfant »
La culture de la paix a été définie par le Manifeste de Séville au début des années 1990. Ensuite, l’UNESCO en a précisé les 8 principes : la démocratie, la lutte contre les inégalités, l’égalité homme-femme, la sécurité, la transparence, etc… (voir ici la définition complète donnée par la Déclaration de l'ONU).
Aujourd’hui nous, collectivités locales, pouvons faire deux choses pour concrétiser la culture de la paix. La première est de développer des plans locaux d’action à la culture de la paix. Dans nos politiques publiques, en direction de nos concitoyens, dans la proximité et la quotidienneté, nous devons développer des actions de sensibilisation pour les enfants mais aussi pour les adultes, qui visent à vulgariser et à faire connaitre ces valeurs pacifiques à l’échelle locale de la vie quotidienne.
Dans le même temps, les gouvernements locaux peuvent agir vis-à-vis des institutions internationales pour que le droit à la paix soit considéré comme une des valeurs universelles des droits humains ; c’est qui n’existe pas encore. Nous devons donc peser sur les institutions internationales pour que le droit à la paix soit reconnu et défini en tant que droit inaliénable de l’humanité.
« Images 5 et 6 : Remise de prix du jeune écrivain et du jeune illustrateur « Construire la paix dans ton quartier ». Le jury a reçu plus de 250 textes et dessins »
Maires pour la Paix est une association mondiale fondé et co-présidé par les maires d’Hiroshima et de Nagasaki, qui ont eu à gérer les conséquences du bombardement nucléaire de 1945. Hiroshima et Nagasaki nous rappellent que, dans les conflits, les pouvoirs locaux sont les premiers acteurs qui travaillent pour la réparation et la normalisation de la vie quotidienne. Les maires doivent donc devenir des leaders pour prévenir les conflits et agir ensemble pour atteindre une société pacifiée.
En aout 2017 s’est tenue la neuvième conférence générale de Maires pour la Paix, qui regroupe plus de 7000 villes dans le monde, dans 70 pays. Nous avons arrêté un plan d’action 2017-20 qui repose sur deux piliers : le premier concerne la poursuite de campagnes de démilitarisation du monde. Nous avons eu la chance en 2017 de voir le prix Nobel de la Paix décerné à ICAN, un collectif de 500 associations – dont Maire pour la Paix – qui a mené une campagne citoyenne en faveur du traité d’interdiction des armes nucléaires qui a été approuvé aux Nations Unies. C’est une première victoire importante pour le mouvement.
Le deuxième pilier d’action de Maires pour la Paix est le développement de la culture de la paix et la nécessité de construire des territoires de sécurité et de résilience (safe and resilient cities). Pour cela nous développons des plans d’action au niveau local pour développer cette culture auprès des citoyens, et éduquer à la paix pour faire grandir la conscience pacifiste.
« Images 7 et 8 : Des lanternes flottent pour la paix sur le canal à Grigny lors que l’auteure syrienne Maram Al-Masri lit ses poèmes pour la paix »
Les citoyens de nos villes sont en attente de mobilisation sur les questions de la paix. Les gens ont envie de paix, mais les grands dirigeants de ce monde ne parlent pas de paix : ils parlent de guerre ! Nous devons, dans la proximité des gouvernements locaux, être à la tête d’alliances qui réaffirment la volonté de nos citoyens de vivre dans un monde de paix. Il y a une urgence pacifiste, et les gouvernements locaux peuvent être à la tête de cet appel citoyen ; ils peuvent le faire entendre et le porter dans les grandes rencontres internationales.
Les gens ont envie de paix. Chaque fois que nous créons un évènement ou une initiative pacifiste – chez les enfants, chez les parents – il y a un changement des regards et une prise de conscience : pour mieux vivre ensemble, nous devons construire ensemble un monde de paix.
« Images 9 et 10 : Échanges d’expériences entre élus et militants pour la paix »
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