15/02/2016

Commentaires de la Coalition Internationale pour l'Habitat (HIC) sur les Documents d'orientation des politiques (PPF) d'Habitat III

Depuis les tous premiers stades des préparatifs d’Habitat III, Habitat International Coalition (HIC) a réclamé l'intégrité des engagements et des modalités d'Habitat II (1996); cette requête contient trois aspects connexes: les processus doivent respecter le principe établi d’Habitat II qui devrait être aussi inclusif que possible; on doit conserver le Programme pour l'Habitat, et ne pas instaurer un «programme urbain» plus restreint et générant plus de division. Finalement, les approches centrées sur les droits de l'Homme et la bonne gouvernance doivent continuer à ancrer et à orienter la politique mondiale sur les établissements humains ainsi que les engagements correspondants.

Les différentes préparatifs d’Habitat III, les processus de rapports et de délibération et les contenus doivent se fonder sur (1) une évaluation fidèle des engagements pris à Habitat II; (2) un examen des droits au logement et des pratiques de bonne gouvernance concordant avec ces aspects essentiels des promesses d’Habitat II, tout en intégrant les leçons apprises et une plus grande clarté conceptuelle sur les questions envisagées depuis Habitat II; et (3) une préparation réaliste pour les établissements humains émergeants et pour affronter les défis du développement qui illuminent le chemin vers l'amélioration du «développement rural et urbain équilibré», comme certifie l’engagement depuis Habitat I (1976).

 

Les omissions d’Habitat III

Ce message a été remis au Secrétariat d’Habitat III, aux États membres et aux autres parties prenantes à différentes occasions. Malheureusement, nous observons l’omission de ces principes fondamentaux -de nouveau- dans les Documents d’orientation de politiques (PPF en anglais). Ces documents soulignent en général les défis, les priorités et les moyens de mise en œuvre pour résoudre les problèmes. Ils réussissent, en partie, mais ne parviennent pas, en général, à aborder les causes fondamentales de ces problèmes.

L’élaboration de prose officielle sur Habitat III, en dépit de la quantité de documents et de parties prenantes concernées, a laissé d'importantes questions sans réponse: ces Documents d’orientation (PPF) ne représentent pas une exception. Habitat International Coalition espérait que ces PPF comblent les lacunes déjà identifiées dans les Documents de problématiques et dans plusieurs autres documents et débats, des vides qui devraient déjà avoir été comblés au moyen des discussions et du prétendu consensus qui prendra la forme de principes et d’engagements d’Habitat III envers un éventail de questions pareillement vaste.

Cet examen met l’accent sur certaines considérations en suspens, concernant particulièrement l’espace que la société civile doit encore trouver dans les forums et les mécanismes existants; qui sont, malheureusement, tous essentiels et bien trop nombreux. Les auteurs de ce document ont été des acteurs fondamentaux pour les processus d’Habitat I et d’Habitat II, pour la définition des cadres normatifs s’y rapportant, pour l’information sur les politiques publiques à tous les niveaux, ainsi que pour l’analyse, la formation et la sensibilisation ainsi que la mobilisation des multiples acteurs autour des droits de l'Homme liés à l'habitat et au du droit à la ville.

 

Respect pour l’héritage d’Habitat II

Tous les Documents d’orientation (PPF) gagneraient à un régime qui, tout en conservant l’intégrité des questions et des engagements d’Habitat II pris en 1996, les défieraient. HIC a insisté sur le fait qu’il s’agit du noyau central de l’exercice, sans quoi la discussion supposerait à tort de partir de zéro et de n’avoir aucune base, en particulier pour tous ceux et toutes celles qui débarquent dans le processus. L’exercice s’inscrit plutôt dans un continuum de quarante ans de débats et d’engagements politiques, actuellement inscrits dans Habitat II (en cours d’expiration et de renouvellement cette année).

Il est évident que les PPF peuvent stimuler la discussion et qu’ils soulignent de nombreuses questions fondamentales, mais, ils reflètent en même temps le but délibéré de révoquer ostensiblement ou d’omettre ce qui a précédé. Cette omission conséquente des engagements d’Habitat II dans le débat n'a pas encore été abordée, et nous craignons qu’elle ne le soit jamais.

Les PPF ne sont pas parvenus à atteindre un tel objectif, et laissent en suspens la question de la raison d’être, la pertinence et la cohérence d’Habitat III, en particulier si les thèmes abordés et les engagements d’Habitat II ont maintenant été engloutis dans l'oubli. Un tel traitement ne présage pas de grande pertinence, de cohérence, d’impact ou d'espoir pour la mise en œuvre d'un Habitat III. Outre les promesses rompues de la mise en œuvre d’Habitat II et les chaînons manquants entre Habitat II et Habitat III, la discontinuité polarise de façon critique les revendications énormes en termes de ressources de toutes les parties prenantes d’Habitat III pour leur participation réelle, en particulier pour récupérer les valeurs d’Habitat II qui risquent d'être perdues. Si les gardiens supposés d’Habitat II et de ses engagements (ONU-Habitat, l’ECOSOC, le Secrétariat de l'ONU et les Etats membres de l'ONU) ne peuvent pas faire preuve de continuité et d’intégrité dans ce processus d’Habitat depuis 1996, le présent et l'avenir de celui-ci doivent être mis en doute.

 

Les PPFs omettent les cadres normatifs existants et les facteurs causatifs des problèmes de l’habitat

L'apparente amnésie structurelle sur le passé est étroitement liée à l'autre fossé qui demande à être comblé: Comme mentionné ci-dessus, les PPF ont réussi à présenter les problèmes et à proposer des solutions; Cependant, ils doivent mettre d’avantage l’accent sur les causes profondes et sur l'aspect normatif des réponses correctives, y compris les normes internationales applicables —et surtout des engagements d’Habitat II—qui abordent déjà, empêchent, cherchent à prévenir et/ou à éviter un grand nombre de problèmes identifiés.

Le silence général des PPF sur le cadre normatif existant et sur la concentration nécessaire sur les facteurs responsables des problèmes de l'habitat est alarmant, tout particulièrement à ce stade du processus d’HIII.

L'hypothèse que l'urbanisation est inévitable prévaut et résiste à toute perspective de l’atténuer, à l'exception de ses conséquences les plus directes. Les FPP concluent dans une satisfaction apparente grâce à des adaptations techniques pour assurer un certain degré de confort à ceux et celles qui peuvent se les permettre. La vision apocalyptique du Secrétariat d’Habitat III d'une campagne mécanisée, de zones rurales dépeuplées de ses paysans et paysannes et loyal à la prospérité des villes et des mégalopoles nourrissantes et accueillantes pour tous les nouveaux arrivants, se reflète, dans une certaine mesure, dans les PPF.

Cette approche est très idéologique dans sa nature et sa disposition, avec son ostensible objectif de bercer les principales parties prenantes dans un sentiment de satisfaction dans quelque soient leurs activités actuelles, et d'encourager un programme qui fasse tout simplement un peu plus de ce qu’il fait (à savoir, inviter à une interprétation assez cynique de la "durabilité"). Les modifications comportementales préventives et correctives nécessaires, ainsi que les changements de comportement déjà promis il y a longtemps (à Habitat II) ne sont pas à l’ordre du jour.

 

L’approche des droits humains est complètement absente

Les questions qui devraient définir le débat d’Habitat III ne s’y trouvent pas, comme c’est le cas du cadre du droit à un recours et à réparation, une clarification importante de l’Assemblée générale des Nations Unies (A/RES/60/147) depuis Habitat II, le discours sur la sécurité humaine dans son contexte d'établissements humains ou les essentielles normes des droit de l'Homme relatives aux droits applicables spécifiquement dans le contexte des établissements humains, qui sont un objectif contraignant et un pilier constant de l'action dans la Charte des Nations Unies.

Malgré l'orientation contractuelle de la Charte des Nations Unies et l'abondance de références normatives développées jusqu’à maintenant, en particulier depuis 1996, la plupart des PPF ne se fondent pas sur une approche des droits de l’Homme, et n’incorporent pas les principes des droits de l'Homme, en particulier leur indivisibilité, ni les exigences de mise en pratique du traité prépondérant d'égalité des genres et de la non-discrimination. Certains PPF prétendent adopter une approche fondée sur les droits, mais ne poursuivent pas dans la ligne de cette affirmation. La plupart d'entre eux comportent des faiblesses sur la question du genre et sur les droits des femmes, alors qu’ils devraient constituer une norme méthodologique de ces questions pour n’importe quel organisme spécialisé se fondant sur la Charte des Nations Unies ou pour l'organisme du Secrétariat qui traite des questions de l'habitat.

Par conséquent, Habitat International Coalition déplore l’absence de références aux principales normes applicables et aux standards des droits de l’Homme, y compris ceux de l'ONU,—ainsi que les tendances actuelles— qui ont évolué depuis 1996. L'omission en bloc de ces aspects suggère un penchant vers l'évitement de la loi quand celle-ci représente une gêne pour les intérêts incrustés. L'absence de loi internationale et de normes connexes, en général, et des engagements d’Habitat II, en particulier, suggère quelque chose de délibérément dissimulé, plutôt que quelque chose de purement négligé, puisque considéré comme sans importance. Chaque PPF doit être soumis à un examen juridique afin de garantir la référence universelle aux normes internationales applicables et pour corriger certaines erreurs et malentendus dans certains cas, et pour y accorder l'attention nécessaire dans d'autres cas.

 

On a besoin des documents additionnels sur les tendances populationnels et la financiarisation du marché du logement pour compléter le tableau

Les contenus des PPF révèlent également la nécessité de Documents supplémentaires sur (1) les tendances démographiques (croissance, vieillissement, croissance explosive de la jeunesse) et les politiques mondiales et les États s’y référant (ou sur leur absence) et (2) la financiarisation mondiale de l'immobilier en tant que défi, en fournissant des recommandations vers la régulation sociale et politique adéquate des marchés et des acteurs et sur les alternatives aux marchés «libres» du logement, de la terre, de l’hypothécaire et de la propriété privée. Cela compléterait le tableau et aborderait certaines des causes et des conséquences qui se fondent sur l'hypothèse imminente que les tendances actuelles sont, incontestablement, immuables.

Le débat nécessaire sur les réponses apportant un remède propulsera finalement l'importance des processus d’Habitat III. Cette phase du débat d’Habitat III devrait déjà avoir atteint ce stade, grâce à la délibération rigoureuse qui devrait suivre et combler toutes les lacunes.

Les politiques macroéconomiques ne sont pas mentionnées du tout, en dépit de l'engagement répété d’Habitat II de prendre ce facteur en considération dans tous les domaines liés à la politique, l'accessibilité au logement, la finance, la tenure foncière, etc. Cela constitue un autre exemple démontrant que l'abandon des engagements d’Habitat II a affaibli les PPF et le discours d’Habitat III, en général.

 

Un Agenda de l’Habitat, pas Urbain

Dans l'ensemble, les PPF ne justifient pas la réduction du sujet de l'habitat à un seul programme "urbain", en dépit des multiples commentaires sur les liens ville-campagne. Les concepts et les idées figurant dans les FPP constituent un solide argument conceptuel pour la restauration du programme pour l’«Habitat» et pour abandonner les messages contradictoires, incongrus, et disséminés d'un programme de développement élaboré uniquement pour des espaces considérés comme «urbains» (bien que ce terme n’ait pas de définition uniforme). La preuve ne supporte pas la conclusion probable que nous sommes tous et toutes confronté-e-s à la nécessité d'un "agenda urbain," au détriment idéologique d'autres valeurs, des communautés, des contextes, des pratiques humaines et de la sagesse de la planification et de la gouvernance.

Il serait également utile d'inclure une introduction replacée dans son contexte qui insiste sur les engagements d’Habitat II et évalue leur mise en œuvre, dessinant ainsi une voie pour la consolidation, la mise en œuvre, le développement et la mise à jour actuelle, —au lieu d'omettre/ignorer/diluer quelque chose qu’Habitat International Coalition, conjointement avec ses Adhérent-e-s, Ami-e-s et Partenaires, n’a cessé de marteler depuis le début des préparatifs d’Habitat III.