25/04/2020

Défis et réponses au COVID-19 dans les territoires : entretien avec les villes de Sfax et Douala

Cette semaine, le maire adjoint de Sfax (Tunisie) à la coopération décentralisée et aux relations internationales, M.Med Wajdi Aydi et le maire adjoint de Douala 3 (Cameroun), M.Achille Azemba, partagent les initiatives mises en place au sein de leurs territoires en vue de lutter contre la pandémie et de protéger les groupes les plus vulnérables, en particulier les résidents migrants, en lien avec la session thématique #BeyondTheOutbreak de CGLU sur la migration.


Sfax : une action publique centrée sur la coopération et la coordination

A Sfax, les premières mesures de confinement ont commencé dès le début du mois de mars et ont rapidement soulevé la nécessité d’apporter des réponses spécifiques pour les personnes en situation de migration. Selon l’adjoint au maire de Sfax, M. Med Wajdi Aydi, « la ville a pris toutes les précautions possibles depuis le début de la crise à partir d’une stratégie de prévention et de coordination avec les associations locales pour maintenir la continuité du service public ».

La municipalité s’est également coordonnée avec les autorités nationales pour surveiller et identifier la propagation du virus, notamment concernant l'arrivée des expatriés qui reviennent de l'étranger ces dernières semaines. Même si les mesures de quarantaine ont affecté le fonctionnement normal de l'administration municipale de Sfax, Med Wajdi Aydi note comment les fonctionnaires ont « essayé de s'adapter à ce contexte ; par exemple, en mettant en œuvre les programmes d'assistance sociale à travers des livraison à domicile ».

Grâce à son implication avant la crise sur la question des droits et besoins des migrants via le projet MC2CM, la Ville de Sfax a souhaité être particulièrement réactive et alerter sur leur situation durant la pandémie. Une stratégie en cinq axes a été mise en place:

  1. la coordination par la Mairie et le soutien aux associations locales pour qu’elles puissent maintenir leur action;
  2. le lancement d’un appel commun entre la municipalité de Sfax et l’Organisation de Tunisie Terre d’Asile pour collecter des dons au profit des migrants;
  3. une coordination a été faite entre la municipalité de Sfax, le Gouvernorat et les différentes directions régionales concernées pour permettre aux différents migrants, sans distinction, d’être à pied d’égalité avec les citoyens de la ville dans l’accès aux services médicaux et des dépistages nécessaires de la pandémie;
  4. co-organisation entre la municipalité et le réseau des associations de la ville pour livrer les denrées à domicile des migrants, en parallèle d’une campagne de sensibilisation et d’information concernant la gravité de la pandémie, la nécessité des gestes barrières et du respect des mesures de confinement;
  5. en coordination avec l’OIM, une grande compagne de soutien humanitaire au bénéfice des migrants pour distribuer des bons d’achat de produits alimentaires et de propreté. Plus de 1200 migrants ont profité de ces dons.

Le maire adjoint de Sfax a expliqué les nombreuses difficultés pour mettre en place ce plan. La municipalité a en effet dû mettre en place une cartographie des lieux de résidences des migrants dans le Grand Sfax, ce qui a mis en lumière la présence d’un nombre beaucoup plus importants de migrants que ce qui avait été identifié jusqu’alors. Le maire adjoint de Sfax explique comment il a dû « collecter les numéros de téléphones et assurer des suivis individuels ». Il a également partagé sa préoccupation sur la situation des femmes et des enfants.

Enfin, M.Aydi note la collaboration inédite qui se met en place pendant cette crise « c’est la première fois dans l'histoire de la ville que toutes les acteurs travaillant sur la migration se sont coordonnés de manière intégrale » et la très bonnes coordination avec les autres instances de l’Etat.

Le maire de Sfax a d’ailleurs initié un dialogue avec le gouvernement central pour la création d’une commission nationale sur la situation nationale, ce qui serait un aboutissement sans précédent. En outre, les collectivités locales en Tunisie sont très actives pour travailler en réseau et partager leurs expériences. Selon le maire adjoint, l'impact positif des réponses locales à la crise montre la nécessité de continuer à fournir aux autorités locales plus de soutien et de ressources, et à les inclure dans le processus décisionnel.

La crise COVID-19 offre l'occasion de continuer à encourager la coopération entre les gouvernements locaux sur des questions telles que la migration ou les droits humains, défendant ainsi les valeurs de solidarité et de démocratie locale au niveau mondial.

Douala 3 s’organise pour affronter la pandémie

Le maire adjoint de Douala 3, M.Achille Azemba, a tout d’abord partagé le faible nombre de cas à Douala et l’engagement fort du gouvernement, des collectivités locales et des différentes institutions pour mettre en place, ensemble, les mesures nécessaires à la limitation de l’expansion de la pandémie. Pour l’instant, les mesures prises à Douala visent à sensibiliser la population à la nécessité de respecter les mesures de distanciation physique, à favoriser le dialogue social avec les différents groupes communautaires et les associations de migrants.

Le maire adjoint a partagé plusieurs mesures prises au niveau de la municipalité axées sur la santé publique : transformation des hôpitaux et des centres médicaux locaux pour une attention spécifique au cas de COVID19, augmentation du nombre d'agents de santé et favorisation d’une détection rapide des nouveaux cas de COVID-19 dans les zones urbaines, notamment les plus denses. Douala a également financé une campagne de dépistage accessible pour tous les habitants, afin de détecter de nouveaux cas de COVID-19 dans les ménages et quartiers de la ville, ce qui a permis d'avoir une image plus précise de la situation et d'empêcher une augmentation des nouveaux cas.

La ville soutient les laboratoires qui cherchent des solutions pharmacologiques, notamment en lien avec les savoirs traditionnels en matière de plantes, pour soulager les symptômes associés au COVID-19. Conformément à son engagement en faveur de l'accès universel aux services publics, Douala 3 s'est enfin assuré que tous les centres médicaux admettent tous les patients indépendamment de leur statut administratif; selon les propos du maire adjoint Azemba, « nos initiatives de santé publique ciblent tous les habitants de la ville sans exclusion: nous considérons que tout le monde est égal et devrait être traité de la même manière en cas de maladie ».